jeudi 30 juin 2016

Attention, phrase culte : "Chaque euro dépensé par les soignants est à 99 % bon pour le pays (0,1 % de fraude et encore je suis large)."

La vision de Saint Jérôme. Louis Cretey (1635-1702)

C'est la phrase du siècle.

Par qui a-t-elle été prononcée ?

1) Marisol Touraine
2) Etienne Caniard
3) Jérôme Marty
4) Le LEEM

Ainsi, les soignants sont des saints.
Ainsi soit-il.
Tout irait mieux dans le meilleur des mondes si les soignants étaient au pouvoir.

Monsieur Jérôme Marty, puisque c'est l'auteur de cette phrase historique qui mérite d'être gravée dans le marbre, doit vivre sur une autre planète. 

Bon pour le pays ou bon pour les citoyens ou les patients ?

A-t-il entendu parler des 30 (selon Prescrire) à 50 % (selon Peter Gotzsche) de sur diagnostics dans le cancer du sein ? 

A-t-il entendu parler de la façon dont le prix des médicaments est fixé ?

Sait-il les largesses de l'industrie pharmaceutique à l'égard des médecins ?

Sait-il que seules des mesures réglementaires ont permis de diminuer voire de tarir la prescription de médicaments inutiles et/ou dangereux et non le bon vouloir ou la résistance des médecins ?

Sait-il la sur prescription de médicaments liés à la réception de la visite médicale (par 70 à 80 % des médecins généralistes, par exemple) ?

J'arrête là car notre docteur pourrait dire que la fraude dont il parle n'est pas celle que je cite de façon aussi peu exhaustive. Mais je conseille de lire le blog.

Il parle sans doute de sur facturation, de dissimulation fiscale, de paiements en espèces, de prescriptions irraisonnables et irraisonnées, de faux actes de faux arrêts de travail, de trafics en tout genre...

ICI pour le texte complet de Jérôme Marty.



Le pire vient de ce qu'il répond à une (mauvaise) étude de l'UFC - Que Choisir sur les déserts médicaux dont on ne peut pas dire que la rigueur soit la méthode et les propositions l'intérêt. Alain Bazot dit ceci : "On est dans un état d'urgence sanitaire." De qui se moque-t-il ? L'association parle de fracture sanitaire et propose une carte interactive LA que j'ai regardée pour mon coin, Mantes-La-Jolie, et qui ne dit pas grand chose de très convaincant. Faire notamment de l'accès aux pédiatres un facteur anti fracture sanitaire me laisse rêveur.

Dans les deux cas, celui d'une association de médecins et celui d'une association de consommateurs, on passe, à mon avis, à côté du problème central. Car médecins comme consommateurs ne peuvent qu'encourager la consommation.

Je ne vais pas vous sortir la balle magique mais, malheureusement, me répéter.

La refondation du système de santé passe par moins de médecine pour ceux qui disposent de conditions socio-économiques favorables, plus de services de santé pour ceux qui n'ont pas un niveau socio-économique favorable et une meilleure clairvoyance dans ce qui est médical et ce qui ne l'est pas. Mais cela suppose une réflexion globale sur la prévention, le dépistage, la gestion des maladies chroniques. Cela suppose que les études de médecine soient elles-aussi refondées (je n'y crois pas une seule seconde) et que les représentations collectives de la santé soient modifiées (cela n'en prend pas le chemin). Moins de médecine en général signifie plus de médecine en particulier. Plus de services de santé signifie certes plus d'intervenants mais aussi des politiques générales de Santé publique qui ne soient plus au service des industriels mais des citoyens.

Fini le rêve.

Il faut en finir avec l'Inverse Care Law ou Loi Inverse des Soins. La disponibilité de soins médicaux de qualité est inversement proportionnelle aux besoins de la population desservie (Julian Tudor Hart - 1971). Voir LA

  

9 commentaires:

B. a dit…

Bien envoyé.

Amitiés

B.

Fluorette a dit…

Je suis tellement d'accord avec toi.

Dr MG a dit…

@docteurdu16

J'ai lu le texte qui t'a fait réagir.

Mais vous ne parlez pas de la même chose:
Tu mets le patient au centre du "dispositif"
Il met le soignant au centre.
Tu parles de l'intérêt du patient.
Il parle de l'intérêt du soignant ( rémunération, liberté d'exercice ...)
Tu parle d' EBM ou du moins de peser le rapport bénéfice/risque pour le patient
Il parle de libéralité.

Quand on ne parle pas de la même chose et que le plus petit dénominateur commun est le mot "santé"; il est impossible de trouver un terrain d'entente.

JC GRANGE a dit…

@ Dr MG
J'espère que le commentaire était au second degré. Car sinon il y a de gros problèmes.
Je réponds comme s'il s'agissait de premier degré (pardon pour le mauvais esprit).
Un médecin comme le bon Jérôme qui met le soignant au centre du dispositif, qui parle uniquement de l'intérêt du soignant, qui parle de libéralité et non d'EBM, ne m'intéresse pas.
Clair ?

dsl a dit…

Je crois que je ne partage pas vos conclusions sur la refondation du système de santé. Idem pour les études de médecine.
Je pense que les choses pourraient évoluer mais pas forcément dans la direction que vous montrez.
Vous pensez nécessaire de changer les représentations collectives de la santé, peut on vous demander ce que cela signifie ?
PS : Si vous pensez que toute discussion sur ce sujet est inutile, et que mon intervention est inopportune, faites le moi savoir simplement, l'absence de réponse à mon commentaire fera très bien l'affaire d'ailleurs.

JC GRANGE a dit…

@ dsl
Vous dites ne pas être d'accord sur ce que j'ai écrit sur la refondation du système de santé. Dont acte. Et d'ailleurs je ne suis pas très sûr de moi... Mais que proposez-vous ? Quelles sont les pistes sur lesquelles nous pourrions discuter ?
Que sont les représentations collectives de la santé ? J'aurais besoin de nombreux billets pour les cerner. Disons, de façon brève, que les représentations collectives de la santé passent par : la croyance en un possible état de bonne santé total sans souffrance (et sans la mort) ; la croyance en la médecine technicienne ; la croyance en la possible médicalisation totale de la société avec son corollaire : la mise à la disposition des médecins/techniciens pour assouvir les rêves individuels de bonne santé (depuis le traitement du rhume jusqu'au transhumanisme ; la croyance dépistologique sans effets indésirables ; le droit à la santé ; le zero défaut ; et cetera.
Bonne journée.

dsl a dit…

Le système de santé comme nombre de systèmes publics souffre du fait qu'il ne lui est pas assigné de but précis. Sans but précis, il poursuit des objectifs variés parfois contradictoires, sous l'influence de différences forces politiques (industrie, opinion, idéologie, corporatisme) et sous l'influence de valeurs différentes.
D'ailleurs, ces influences contradictoires se retrouvent en partie durant la consultation, entre les intérêts du patient, du médecin, des laboratoires, de l'assurance maladie, de l'employeur...il est parfois difficile de trouver le chemin de la santé.
Ce que je propose ?
Simplifier le système de santé en définissant précisément le cadre dans lequel intervient l'assurance maladie, le problème est de se mettre d'accord sur ce cadre c'est à dire sur le rôle de l'assurance maladie, et donc aussi sur le rôle du politique dans la santé publique.

S'agissant des représentations collectives de la santé, les médecins n'ont pas le pouvoir de les modifier parce qu'elles dépendent aussi des multiples acteurs, et des valeurs qui les animent. Les médecins peuvent influencer ces représentations, mais là encore, il faudrait aussi qu'ils se mettent d'accord sur ce qu'est la santé et de quelle manière on doit la promouvoir. Est ce possible ? Est ce souhaitable ? Je n'en suis pas convaincu.

JC GRANGE a dit…

@ dsl
On entre dans le dur.
Les représentations collectives de la Santé sont, comme vous le dites, multifactorielles et le résultat d'un consensus imaginaire dont les conséquences sont notre système de santé tel qu'il existe.
McKeown a montré en analysant les chiffres de morbimortalité depuis le dix-huitième siècle en Angleterre ce qui revenait à la médecine pure et dure et au non médical (l'hygiène, les services de santé, les institutions sociales). On pourrait dire que médecine sans hygiène n'est que ruine de santé publique.
Illich a montré combien le tout médical pouvait être contre productif et combien les comportements individuels, mais pas seulement arrêter de fumer ou ne pas conduire en état d'ivresse mais aussi compter sur ses propres forces (ce qu'il appelle l'autonomie) pour se soigner (et il ne parlait pas des médecines parallèles) et combien les institutions de la santé pouvaient être dangereuses (30 % de spatients hospitalisés traités par antibiothérapie ont attrapé l'infection durant leur séjour).
Goetzsche a parachevé ces analyses en montrant que le dépistage pouvait être plus délétère que le ne rien faire, notamment pour ce qui est du cancer du sein.
Enfin (mais cet enfin n'est pas exhaustif) JT Hart a très tôt montré avec l'inverse care law que les ressources médicofinancières étaient consacrées aux personnes et aux maladies qui n'en avaient pas besoin et délaissaient les autres.
Ainsi, nous en sommes loin.
A suivre.

dsl a dit…

Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je considère qu'il vaut mieux séparer l'étude des représentations de santé de celle du système de santé car leurs fonctions sont distinctes.
Je serait plutôt d'accord sur l'idée d'Illich de favoriser l'autonomie médicale des individus en diminuant le poids de l'institution et du système de santé.
Maintenant, j'avais plutôt l'impression à vous lire que vous souhaitiez plutôt conserver le système de santé pour l'orienter vers des buts qui vous semblent meilleurs, et c'est sans doute la que la discussion peut commencer.