Affichage des articles dont le libellé est ANTALGIQUES. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ANTALGIQUES. Afficher tous les articles

mardi 13 septembre 2011

Brèves de comptoir : histoires de consultations 92, 93 et 94.


92 : Monsieur A, 48 ans, vient me voir pour son hypertension une fois tous les six mois. Grâce aux patchs et à deux ou trois entretiens Monsieur A est passé de 20 cigarettes à l'abstinence. La question rituelle en début de consultation : "Vous en êtes où avec la tabac ?" Monsieur A me regarde d'un air désolé : "J'ai recommencé." Je lui fais un sourire. "Complètement ? - Non, non, je fume trois cigarettes par jour depuis deux mois. - Cela me convient." Il me regarde avec étonnement. Bien qu'il ait vu une fois un cardiologue mantais il y a trois ans et que tout allait dans le meilleur des mondes hypertendus possibles, sa femme lui a conseillé d'aller voir un cardiologue à Paris, un cardiologue ethnique conseillé par la meilleure amie de sa femme dont le mari, et cetera... Et le cardiologue, qui ne m'a pas envoyé de lettre, je ne lui avais pas adressé de courrier, c'est le patient qui raconte, a prescrit du champix parce que le patient fumait trois cigarettes par jour, et le champix lui a collé de tels effets indésirables (nausées, bouffées de chaleur, excitation) qu'il a arrêté au bout de deux jours...

93 : Le jeune A, seize ans, 58 kilos, s'est fait une entorse de cheville au foot en prenant un coup violent de la part d'un de ses camarades de classe. Il arrive au cabinet accompagné de sa mère (qui vient elle-aussi pour une consultation) avec une attelle élastique, un certificat de l'hôpital où il a été conduit depuis le lycée, des radiographies de cheville (malgré les critères d'Ottawa) normales, et une demande de conseils avec, en outre, une demande de certificat. Je l'interroge, j'examine la cheville, et, incidemment, je vois l'ordonnance des urgences, signée par un senior :
1) Doliprane (paracétamol): un comprimé quatre fois par jour en cas de douleurs ; 2) Si douleurs : un comprimé d'ixprim (tramadol paracétamol) au coucher. Cela fait quand même beaucoup de paracétamol ! Dernier point : pas de déclaration d'accident à l'assurance scolaire.

94 : Madame A, 52 ans, adressée par l'hôpital de Mantes, est hospitalisée à l'Hôpital Européen Georges Pompidou pour un problème rénal à identifier. Je la revois après un mois d'hospitalisation et sans encore de courrier détaillé, avec le diagnostic de glomérulonéphrite extra membraneuse. La lecture de l'ordonnance de sortie est édifiante :
  1. Bactrim forte : un comprimé par jour pendant trente jours
  2. Lasilix special 500 : un comprimé le matin
  3. Inexium 20 : un par jour
  4. Tahor 40 : un comprimé le soir
  5. Acide folique ccd
  6. Novonorm 2 : un comprimé trois fois par jour
  7. Imovane : un comprimé le soir
  8. Previscan : trois quarts de comprimé par jour
  9. Ramipril 10 : un comprimé par jour
  10. Tareg 40 : un comprimé par jour
  11. Lansoyl
  12. Fosavance 70 / 2800 : un comprimé par semaine
L'histoire de la patiente est donc la suivante : elle entre à Pompidou pour un diagnostic, elle fait une embolie pulmonaire, on découvre une thrombose des artères rénales, elle fait une surinfection pulmonaire à pneumocoque et...
Quant à l'ordonnance, elle est gratinée...
Elle est intégralement rédigée en noms de marque, sauf pour le ramipril.
Elle comprend un antivitamine K, le previscan, qui n'est prescrit qu'en France.
Il y a l'association d'un sartan et d'un IEC (le double blocage).
On n'oublie pas de prévenir l'ostéoporose d ela brave dame qui vient de se farcir deux affections successives liées probablement à l'hospitalisation...

J'attends la suite.

(Image : Le Médecin malgré lui - Molière)

jeudi 25 août 2011

Douleur Zéro : une politique sociétale qui rencontre des difficultés.


Une société sans violence, une société sans injustices, une société sans douleur et sans douleurs, sans spleen, une société paradisiaque, en quelque sorte, une société immortelle, également, où la mort est vécue non seulement comme une incongruité mais aussi comme un événement évitable, voilà ce que l'arrogance médicale intériorisée par l'arrogance politique propose à notre biotope.

Je vous avais déjà entrepris (ICI) de ce que j'avais appelé avec effroi le monde indolent et anhédonique qui était désormais l'ambition eschatologique de nos sociétés et, en relisant le post, pardon pour cette immodestie, je n'ai rien à ajouter.

Mais l'actualité des opiacés me rattrape.

Un commentaire paru dans le British Medical Journal (ICI), pose des questions.
Les auteurs soulignent que la prescription des opiacés dans d'autres indications que celles du cancer a progressé considérablement dans le monde et notamment aux Etats-Unis où, en ce pays, le nombre de décès associé à leurs prescriptions est passé de 4041 en 1999 à 14459 en 2009, ce qui représente quand même environ 1000 morts par mois (LA) ! Ce qui signifie que la mortalité rapportée aux opiacés est supérieure désormais à celle du myélome, du sida ou des affections hépatiques liées à l'alcoolisme ! Ces données états-uniennes sont retrouvées également en Ontario (Canada) et en Australie (Victoria) et concernent surtout l'oxycodone. Il est intéressant de noter que les décès liés à la méthadone et à la codéine ont doublé entre 2005 et 2009 en Angleterre et au Pays de Galles alors que la mortalité liée à l'héroïne et à la morphine n'a pas changé (ICI). Quant au docteur House vous verrez ici comment il avale acétaminophène - codéine (LA).

Ce commentaire, avant que nous ne l'analysions en détail et que nous ne le commentions, pose plusieurs questions :
  1. S'agit-il d'une nouvelle offensive de Big Pharma contre les vieilles molécules afin de promouvoir des antalgiques plus chers (voir ICI un post de Marc Girard) ?
  2. S'agit-il d'un vrai problème de santé publique lié à des effets indésirables graves, une dépendance forte conduisant à des surdosages ou un mésusage?
  3. Existe-t-il des éléments convaincants sur le rapport bénéfices risques favorable ou défavorable des opiacés ?
  4. Je rappelle ici que j'étais assez dubitatif sur les "vraies" raisons du retrait du dextropropoxyphène et je n'attends rien des futures données de pharmacovigilance concernant le tramadol et autres (bien qu'il faille noter qu'un essai anglais a montré que le retrait de la molécule sus citée avait entraîné moins de décès et pas plus d'effets indésirables liés aux molécules de substitution : LA).
Donc, voici ce que racontent les auteurs (canadiens) :
Outre ce que je vous ai raconté sur l'augmentation de la mortalité liée aux opiacés, ils essaient d'analyser les raisons de la diffusion large des opiacés aux douleurs non cancéreuses. Ils retracent l'histoire des opiacés en Amérique du Nord et le fait que leurs risques ont d'abord été négligés (sirops pour la toux de Bayer) puis que leurs prescriptions ont commencé à être encadrées, avancent des incitations marketing de la part de Big Pharma (classiques incitations : minoration des effets indésirables, extension des indications, possibilité de lutter contre des addictions plus graves...). Au point que les médecins qui s'interrogent sur l'utilisation large des opiacés et sur leurs éventuels effets indésirables (et y compris l'addiction) sont considérés avec mépris comme des opiophobiques (LA).

Ensuite, ils "font la littérature" et soulignent d'abord qu'aucun essai clinique randomisé n'a fait la preuve que les opiacés, au long cours, entraînaient plus de bénéfices que de risques : à partir d'une meta-analyse (ICI) ils rapportent que les études ont été généralement faites à court terme (moins de 16 semaines), qu'aucune étude n'a été menée versus paracétamol ou AINS, et, surtout, que les études ont exclu les patients à risque d'effets indésirables sérieux et qu'en conséquence il était difficile d'en tirer des conséquences claires pour la pratique quotidienne comme écrit dans un autre article (LA)... Puis ils citent une revue Cochrane de 2009 (LA) qui conclue à l'absence de preuves pour utiliser les opiacés dans le traitement des douleurs sévères liées à des troubles ostéoarticulaires !

Enfin, ils proposent des solutions.

En France, comme d'habitude, on ne sait rien. Circulez, y a rien à voir. Quant aux débats démocratiques, je ne parle pas des poussées d'urticaire sous forme de commentaires, ils n'en sont pas à l'esquisse de l'esquisse d'un commencement. Où publierait-on des débats contradictoires de type socratique avec un modérateur pour rappeler qu'il faut citer quand on affirme.
La sécurité sanitaire est une affaire trop importante pour la laisser au vulgum pecus.
On interdit les sirops chez les enfants de moins de deux ans avec autant de preuves qu'un article original dans le Quotidien du Médecin.
On interdit bientôt le noctran et la mépronizine pour des raisons qui tiennent d'une part à la détestation des autorités et des médecins bien pensants pour les hypnotiques et autres anxiolytiques (qui doivent être remplacés par le dialogue, l'entretien face face et les bonnes paroles moralisatrices) et d'autre part à une toxicomanie et à un mésusage connus depuis des lustres : combien de morts ? Il est clair que la consommation de produits sûrs comme le zolpidem et le zopiclone ne vont pas en être affectés.
On n'a pas interdit le mediator puis on l'a interdit sans que les pharmacovigilants puissent dire un mot mais il est vrai que leur mutisme original aurait paru plus assourdissant s'ils avaient parlé après : ce sont les mêmes.
On n'interdit pas le Pandemrix, produit de la recherche Daniel Floret...

Revenons à nos douleurs : il est nécessaire de réaffirmer que la vie peut rencontrer la douleur et que la douleur n'est pas toujours soluble dans la médecine.
La politique Douleur Zéro peut aussi conduire à des naufrages et à la négation de l'individu qui ne serait pas apte à vivre en souffrant, qui ne serait pas digne de vivre en souffrant et dont la seule issue à cette déchéance, la perte de l'autonomie et la vulnérabilité extrême, serait la mort rapide euthanasiée ou pas.

(Lucas Cranagh l'ancien - Adam et Eve : 1528. Crédit : repro.tableaux.com)

vendredi 12 novembre 2010

J'AIME PAS LES URGENTISTES QUI FONT DE LA MEDECINE GENERALE ! - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 53

Edvard Munch - Le cri - 1893
Ce post n'a aucun intérêt.
Ce post n'est que la manifestation épidermique de mon énervement à l'égard des urgentistes qui font de la médecine générale. De mon énervement de médecin généraliste à l'égard de la médecine générale qui a habitué les patients à l'urgence symptomatique. De mon énervement à l'égard des cliniques qui pratiquent des soins non programmés pour alimenter en examens complémentaires non programmés des malades non programmés à aller aux urgences. De mon énervement devant le mépris que gratifient les urgentistes aux médecins généralistes (suivez mon regard docteur Pelloux) et qui feraient mieux de regarder les ordonnances qui sortent des services d'urgences qui parfois ne sont pas piquées des hannetons. De mon énervement à l'égard de la CNAMTS qui, pour des raisons de mépris venant d'En Haut et (aussi) de volumes de prescription, ne s'intéresse qu'aux médecins généralistes pour contrôler leurs activités et pas aux grands spécialistes qui ne prescriraient que dans les clous... De mon énervement de l'ignorance de la CNAMTS qui feint d'ignorer que Big Pharma, pour vendre ses molécules, commence par vampiriser les chercheurs internationaux puis les leaders mondiaux, puis les leaders nationaux, puis les leaders régionaux, puis les leaders loco-régionaux, avant de distribuer de la bimbeloterie aux médecins généralistes... De mon énervement à l'égard du professeur Allemand qui, au lieu d'emmerder les généralistes capistes à prescrire des anti hypertenseurs de la liste, devrait commencer par viser la tête, les professeurs de CHU qui, aveuglés par les destinations de rêve de leurs Congrès professionnels, ne cessent de prescrire hors liste et de dire à leurs malades que les médecins traitants suivront... Enervé que le Comité Scientifique de la CNAMTS ne commence pas par s'attaquer aux professeurs ORL qui prescrivent du Vastarel, aux professeurs rhumatologues qui continuent de prescrire jusqu'au bout du Celebrex, aux professeurs diabétologues qui ont prescrit jusqu'au dernier moment de la rosiglitazone... Enervement aussi à l'égard des médecins généralistes qui croient que seuls les médecins spécialistes sont des crétins et prescrivent des crétineries sans intérêt.
Ce post n'a donc aucun intérêt sinon celui de parler de mon grand énervement.
***
Histoires de consultation : Episode 53 : Monsieur A, 38 ans, vient me voir en me disant qu'il est allé aux urgences en raison de violentes douleurs de la région cervicale, qu'il a toujours mal, qu'il est un peu dans le cirage et, avant que je ne voie son ordonnance, je l'examine et je constate un torticolis banal mais très douloureux avec une atteinte du sternocléidomastoïdien et du trapèze homolatéraux avec, peut-être, l'ébauche de l'esquisse d'une douleur radiculaire, toujours homolatérale...
Voici l'ordonnance (l'en-tête de l'ordonnance n'émane pas des urgences mais d'un centre de soins non programmés - c'est l'époque : les aveugles sont mal-voyants, et cetera...- établi dans une clinique appartenant à la Générale des Eaux...) :
  1. Acupan 50 : une ampoule trois fois par jour
  2. Voltarène 50 : un comprimé trois fois par jour
  3. Dafalgan 1000 : un comprimé quatre fois par jour
  4. Myolastan 50 : un comprimé au coucher.
Et Monsieur A avait toujours mal, le salaud !
Ainsi, la prescripteure croyait trop à la médecine et Monsieur A pas assez.

Pour un torticolis !

samedi 23 octobre 2010

FAUT-IL INTERDIRE LE PARACETAMOL 1000 EFFERVESCENT ?


Au moment où le diantalvic (dextropropoxyphène paracétamol - DPP) et ses génériques et le propofan (dextropropoxyphène paracétamol caféine - DPPc) et ses génériques vont disparaître du marché pharmaceutique français pour causes de décès en Grande-Bretagne (voir ce blog : ici), se pose la question des doses fortes de paracétamol.
Bien entendu nous ne pourrons pas nous fonder sur des données françaises de pharmacovigilance, la pharmacovigilance française étant, selon l'interprétation que l'on en donne, incapable, nulle et incompétente ou capable, efficace et compétente mais sous la coupe d'intérêts politiques et industriels la dépassant et la faisant taire.
La pharmacovigilance française est rassurante : des données anciennes (1990) indiquent 6 morts par an dues au paracétamol ! Cela dit, la pharmacovigilance française, toujours aussi vigilante, vient d'interdire les sirops en général chez les enfants de moins de 2 ans et l'on attend l'étude complète et les raisons vraies : plus de 6 morts par an ?
Nous n'avons d'ailleurs pas beaucoup plus d'informations sur le nombre de décès liés au DPP ou au DPPc en France : est-ce pour cela que l'AFSSAPS était si frileuse face à la demande européenne de retrait ? Ou alors était-ce en raison du chiffre d'affaires important généré par une firme française (Sanofi-Aventis) ? On pourrait dire également que la dose maximum autorisée de DPP ou de DPPc (six gélules ou comprimés par jour) représentait seulement 1,8 de paracétamol.
Donc, pas de données françaises, nous devons donc nous en tenir aux données étrangères, dont américaines. Pour tant il existe quelques sources françaises : un article soulignait en 2006 le danger du paracétamol chez le buveur excessif (ici) et venait à la suite d'un avertissement de la BIAM de novembre 2004 (). Mais il existe aussi des articles concernant des hépatites fulminantes à doses thérapeutiques : ici et (plus ancien).
La FDA, comme nous l'avons mentionné le 5 juillet 2009 sur ce blog, a émis des recommandations précises (ici) qui n'ont fait ni chaud ni froid aux autorités européennes et françaises ; la FDA est par ailleurs revenue en arrière sur ce sujet et en visant plus particulièrement les produits OTC (ici) en ne proposant plus de restrictions de dosages, même chez les consommateurs d'alcool mais en les prévenant du risque éventuel qu'ils pourraient courir... Que s'est-il passé ? Nous n'en savons rien. Le document de la FDA est cependant très explicite : le paracétamol entraîne 153 décès par an (dont une trentaine non intentionnels) et que c'est probablement la première cause (39 %) de défaillances hépatites aiguës aux Etats-unis (voir sur ce blog les données).
En pratique :
Je conseille (sur un avis de BL) de demander aux patients à qui l'on prescrit du paracétamol de leur faire préciser quelle est, selon eux, la dose maximale autorisée : vous aurez des surprises. Je conseille d'éviter la forme paracétamol 1000 effervescente (la vitesse d'absorption est deux fois plus rapide qu'avec les autres formes) qui, en outre, chez les hypertendus, contient beaucoup de sel.

Voir un développement plus récent (août 2011) sur ce blog : ICI.